« Regarde, ze t’ai fait un dessin ! »
Quel cœur n’a pas fondu en entendant cette simple phrase prononcée par une voix cristalline ?
Des petits doigts potelés qui tiennent un crayon immense, le visage concentré, la langue tirée, le tout dans une position improbable… ce moment, cette image que l’on voudrait graver, et ce dessin qu’on nous offre comme un cadeau précieux… qui sera perdu demain, sans doute, entre une facture d’électricité et la liste des courses.
Les feuilles de papier s’envolent comme les jours et les mois, le temps qui court et ne les rattrape pas. Et les dessins d’enfants, cette offrande, ce « je t’aime », sont une preuve palpable du temps qui passe trop vite.
Le cahier de dessin leur offre un refuge, une maison, comme un écrin. Chaque page qui se tourne est un jour révolu... mais gravé, enfin.
Et si l’enfant commence souvent le sien dans une sorte de période néo-cubiste à tendance déstructurée, on suit page après page la construction de sa personnalité, de son être en devenir. Quand chaque jour est une découverte, un apprivoisement du monde qui l’entoure et dont il apprendra à faire partie jusqu’à en perdre, souvent, cette fameuse « âme d’enfant » qui rend la vie plus jolie. Le cahier de dessin conserve tout cela en lui, comme le secret du temps passé.
C’est le rappel d’échanges mémorables avec des parents dépassés:
« - Regarde maman, mon beau dessin !
- Oh oui ! Mais… qu’est-ce que c’est ?
- Un dinosaure !
- Ah oui, le joli dinosaure ! Et là, c’est aussi un joli dinosaure ?
- Ah non, là, c’est maman ! »
Le cahier de dessin c’est des fous rires, des déclarations, des princesses et des dragons… une candeur en couleur.
Il se rangera dans une bibliothèque parce que l’enveloppe est aussi belle que ce qu’elle renferme est émouvant et précieux. Quelques années plus tard, on le rouvrira avec nostalgie, comme si on redécouvrait un trésor, et on se souviendra que cette jolie ballerine rose à huit doigts était censée être un autoportrait, que cette espèce de chose hirsute violette et rose était un poney, et qu’il y avait un astronaute au fond de nous.
On se souviendra de l’enfant que l’on était, de nos étoiles et de nos rêves. Parce qu’on commence son cahier dans un « quand je serai grand… », et qu’on le rouvre parce que « quand j’étais petit… ».
Et puis, peu importe l’âge finalement ! Enfant ou âme d’enfant…
Dessine-moi tes rêves !